HISTOIRE
Pour les historiens vietnamiens, le Viêt Nam fut fondé en 2877 av. J.-C.. La capitale de l’époque se situait à l’emplacement de l’actuelle Canton (Quảng Châu) en Chine méridionale. L’histoire du pays, dont les origines sont semi-légendaires, se confond en grande partie avec celle du peuple Việt, aussi appelé Kinh, qui, de son berceau primitif du Văn Lang, aurait ensuite essaimé vers le delta du fleuve rouge (Đồng bằng sông Hồng). Les Viêt ne prennent que très progressivement possession de l’espace géographique qui est aujourd’hui celui du Viêt Nam. En 258 av. J.-C., le Van Lang est intégré au royaume élargi d’Âu Lạc, qui passe à son tour sous la coupe de l’Empire de Chine. En 221 av. J.-C., un général chinois, Zhao Tuo (趙佗) se proclame roi d’un nouvel État indépendant, le Nam Việt (comprenant des territoires du Sud de la Chine et du Nord de l’actuel Viêt Nam), qui existe jusqu’en 111 av. J.-C., date à laquelle il est reconquis par la Chine sous le règne de l’empereur Wudi de la dynastie Han (漢武帝).
Le futur Viêt Nam demeure une possession chinoise pendant environ un millénaire, malgré des révoltes parmi lesquelles celles menées par les deux sœurs Trung (Hai Bà Trưng/�) et Triệu Thị Trinh sont les plus célèbres, et des périodes d’indépendance plus ou moins longues. Sous la dynastie chinoise des Tang, le pays est un protectorat désigné sous le nom d’Annam, le « Sud pacifié », nom qui servira longtemps à le désigner en Occident. Ce n’est qu’en 932 que l’effondrement du pouvoir central permet au Đại Việt, le « Grand Viêt », de devenir un royaume indépendant, qui continue cependant de payer tribut à la Chine. Au cours d’un processus séculaire appelé Nam Tiên, la « Marche vers le Sud », les Viêt conquièrent le territoire qui va devenir celui du Viêt Nam, aux dépens du Royaume de Champā et de l’Empire khmer. Plusieurs dynasties se succèdent à la tête du pays qui, au xviiie siècle, atteint peu ou prou la configuration de l’actuel Viêt Nam. Entre le milieu du xvie siècle et la fin du xviiie siècle, le pays est politiquement divisé en deux, la famille des ministres Trịnh (Chúa Trịnh) contrôlant le Nord et la famille Nguyễn (Nhà Nguyễn/) le Sud, tandis que les empereurs de la dynastie Lê (Nhà Lê) ne conservent qu’un pouvoir symbolique. Les Tây Sơn (Nhà Tây Sơn/) disputent ensuite le pouvoir aux deux familles, mais ce sont les Nguyễn, avec l’aide de la France, qui remportent la victoire. Au début du xixe siècle, Gia Long (嘉隆) des Nguyễn devient l’empereur du pays, qui prend le nom de Việt Nam et continue de reconnaître la Chine comme puissance suzeraine.
Au milieu du siècle, la fermeture du pays au commerce étranger et au christianisme finit par entraîner un conflit avec la France : le Second Empire intervient en 1858 et s’empare du Sud du pays, qu’il annexe pour en faire la colonie de Cochinchine. En 1883, la guerre franco-chinoise provoque une nouvelle expédition française, la France souhaitant à la fois sécuriser sa colonie et s’emparer des richesses du Tonkin au nord du pays. Des traités de protectorat aboutissent à la création de deux nouvelles entités, le Protectorat d’Annam (centre) et le Protectorat du Tonkin (nord). Le pays est désormais divisé en trois, les empereurs Nguyễn ne conservant qu’une autorité symbolique sur l’Annam et le Tonkin, tandis que la Cochinchine fait partie intégrante du territoire de la France. En 1887, les trois entités sont intégrées à l’Indochine française.
Malgré de nombreux soulèvements nationalistes, les Français maintiennent leur contrôle sur le territoire vietnamien ; dans les années 1930, le Parti communiste indochinois, dirigé par Nguyen Aï Quoc, futur Hô Chi Minh, organise à son tour des insurrections, durement réprimées. Les nationalistes vietnamiens modérés et l’empereur Bảo Đại tentent d’obtenir par la négociation une autonomie accrue, mais n’ont pas plus de succès. En 1945, le Japon, qui occupait l’Indochine française depuis 1940, démantèle l’appareil colonial français pour prendre le contrôle du territoire. La reddition japonaise, quelques mois plus tard, permet au Việt Minh, front nationaliste dirigé par le Parti communiste de Hô Chi Minh, de prendre le pouvoir lors de la révolution d’Août. Les Français ne parviennent que progressivement à reprendre le contrôle de l’Indochine ; Hô Chi Minh, dont le pouvoir est encore très fragile, tente la voie de la négociation, mais les pourparlers achoppent et, fin 1946, le conflit larvé débouche sur la guerre d’Indochine. Les Français réorganisent le pays, unifiant les trois territoires au sein de l’État du Viêt Nam (Quốc gia Việt Nam/) dirigé par Bảo Đại ; le soutien de la Chine permet cependant au Việt Minh de prendre militairement l’avantage. Après leur défaite lors de la bataille de Diên Biên Phu (Chiến dịch Điện Biên Phủ/), les Français renoncent à poursuivre un conflit ingagnable et, lors des accords de Genève de 1954, reconnaissent l’indépendance du pays.
Le Viêt Nam demeure cependant provisoirement divisé en deux, les communistes ayant le contrôle du Nord et le gouvernement de Bảo Đại celui du Sud. Ngô Đình Diệm, premier ministre du Sud, refuse le référendum prévu par les accords pour réunifier le pays et prend le pouvoir, évinçant Bảo Đại et proclamant la république. Deux États ennemis, la République démocratique du Viêt Nam au Nord (Việt Nam Dân chủ Cộng hòa) et la République du Viêt Nam au Sud (Việt Nam Cộng hòa/) se font désormais face, le Viêt Nam devenant l’un des fronts les plus chauds de la guerre froide. Les États-Unis, désireux d’endiguer la progression du communisme en Asie, se substituent aux Français comme protecteurs du Sud Viêt Nam et aident Diệm à combattre l’insurrection communiste. Mais l’autoritarisme croissant du président sud-vietnamien le rend de plus en plus impopulaire ; en 1963, avec l’assentiment des Américains, il est renversé lors d’un putsch. Le Sud Viêt Nam demeure cependant très instable, et de plus en plus menacé par la guérilla du Front national de libération du Sud Viêt Nam(aussi appelé péjorativement Việt cộng par la République du Viêt Nam et ses alliés américains), soutenue par le Nord. Les Américains soutiennent à bout de bras l’effort de guerre sud-vietnamien et, en 1964, la résolution du golfe du Tonkin donne au président des États-Unis carte blanche pour intervenir au Viêt Nam. L’intervention américaine, ravageant les infrastructures et l’environnement du Viêt Nam, échoue non seulement à mettre un terme à l’insurrection, mais étend le conflit armé au Laos et au Cambodge. La guerre, à la fin des années 1960, est de plus en plus impopulaire en Occident et les États-Unis cherchent une porte de sortie. De longues négociations aboutissent, en 1973, aux accords de paix de Paris et au retrait américain. Deux ans plus tard, le Nord Viêt Nam réalise son offensive finale contre le Sud ; le Viêt Nam, désormais entièrement sous contrôle communiste, est réunifié en 1976.
Aligné sur l’URSS, le Viêt Nam sort ravagé de la guerre et doit, avec la réunification, affronter de multiples difficultés économiques. L’Aide du Vietnam au Cambodge, fin 1978, pour renverser les Khmers rouges, le bref conflit contre la Chine puis le coûteux conflit cambodgiens’ajoutent aux difficultés et à l’isolement diplomatique du pays. À partir de la seconde moitié des années 1980, et après la mort du dirigeant conservateur Lê Duẩn, le Viêt Nam entame sa propre perestroïka, le Đổi mới, et libéralise son économie, s’affirmant progressivement comme un pays émergent dynamique. Le système politique demeure cependant autoritaire, le Parti communiste vietnamien gouvernant en tant que parti unique.